SNG l'original

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Le Poids des Maux Podcast

Avril 2022, on rencontre Natacha aka SNG, une artiste souffrant d'anorexie, pour l'enregistrement de notre 1er épisode. Là, on vit le pire cauchemar de tout podcasteur : le problème technique. L'épisode est inaudible mais Natacha tellement passionnante, qu'on décide de vous proposer 3 de nos extraits préférés illustrés par elle-même. Encore un grand merci à SNG pour cet entretien illustré ! On la recroisera prochainement ne vous inquiétez pas@lepoidsdesmaux_podcast


"Dans le cas des TCA, on traitait l’arrêt des crises de boulimie/vomissement et la reprise de poids. Dès que je sortais de l’hôpital, je perdais en quelques semaines ce que j’avais pris en plusieurs mois parce qu'on n'avait pas soigné le psychique. En plus, on me donnait beaucoup de médicaments qui ne me permettaient pas de réfléchir et de travailler sur moi. C’est le lot de tous les protocoles de soins psychiatriques. Je ne comprends pas trop ce système de bourrage de médicaments des patients alors qu’on leur demande de bosser sur eux et donc d’accéder à des capacités de réflexion. C’est un système de shoot. On perd beaucoup de temps et c’est une solution de facilité qui ne permet pas d’effectuer de travail de fond, même si ce travail n’est pas facile. Les troubles psychiatriques, ça reste quand même un grand mystère. Si on ne démarre pas ce travail et ce lien de confiance, on peut rester des années voire une vie entière en psychiatrie.

Les protocoles qu’on m’imposait, on ne me les expliquait pas nécessairement ; c’était absurde. Je ne me sentais pas à ma place dans ces services-là. Je ne me sentais pas comme les autres patients qui avaient a priori la même pathologie que moi. Dans mon cas, c'était d’autant plus compliqué que je ne parlais pas. Toutes les thérapies engagées c’était donc un silence radio pendant des années. Je ne parlais pas car je ne pouvais pas. J’ai pris la parole de manière débordante par la suite à un autre moment de ma vie. Je pense que le problème ne vient pas que de moi : quand j’en parle avec d’autres personnes qui ont eu un parcours proche, il n’y a pas eu de travail psychique mais une volonté de soigner le corps. Elles sortent et après on s’étonne qu’elles reprennent du poids."

"Je n’en pouvais plus de cacher mon histoire de santé. Avec ma famille, il ne fallait pas trop en parler parce que c’était tabou. Il fallait un peu passer à autre chose donc c’était difficile de contenir ça. Tout a commencé par une traduction par le dessin de petites scènes d’hôpital. Quand mon prof a vu ça, il m’a dit que je devrais continuer dans cette voie. Une autre prof m’avait aussi dit que je devrais en faire un blog et c’est ce que j’ai fait.

C’est à ce moment là où j’ai commencé à récupérer mon dossier médical dans toutes les structures dans lesquelles j’étais passée depuis le début de l’adolescence. C’est un droit que le patient a, même si l’on n’a pas accès à toutes les pièces. Moi j’ai eu accès à un sacré volume de documents médicaux et de lettres de transmission. Des traductions à chaque fois différentes de mon histoire, par différents psychiatres. Je les ai diffusées sur le blog, au début un peu anonymisées puis de moins en moins. J’ai commencé à en faire des bricolages artistiques. C’était une façon de prendre de la distance, de rire, de détourner un peu les choses mais aussi de mieux les digérer et de donner mon dossier en accès libre aux personnes qui pouvaient être intéressées. Ça a été un des premiers axes forts de prise de distance."


« En une journée je fais plein de choses. Quand j’explique mon quotidien à une personne, elle me répond qu’en 24h, je ne devrais pas être capable de faire tout ça et de me porter bien. Ça m’épuise vraiment : c’est une agitation permanente avec laquelle je vis. J’ai du mal à la ralentir. Mais il n'y a pas une volonté de perte de poids par rapport à ça. La vingtaine d’années passée en psychiatrie, c’est un temps que je n’ai pas pu utiliser pour faire les choses que j’avais envie de faire. J’ai l’impression d’avoir perdu ces années, enfermée entre des murs, à attendre que le temps passe. Je suis dans une forme de rattrapage. Ce n’est pas très sain mais c’est comme ça que je fonctionne.

L’expérience de la psychiatrie nous rappelle la réalité de la vie et de la mort : on voit des patients mourir, on voit la dégradation des personnes et on se voit vieillir plus vite à la fois psychiquement mais aussi physiquement. Des fois, c’est très marqué. La psychiatrie nous met dans une situation d’humilité et parfois d’humiliation. On nous a privé de liberté (marcher dans la rue, pouvoir aller quand on veut où l’on veut, rencontrer qui l’on veut) donc on se satisfait de choses très simples de la vie. On retourne à une simplicité plus saine et plus noble, moins artificielle ou dans la consommation : profiter de respirer, d’avoir un corps qui fonctionne, d’aller à pied quelque part… Concernant l’échéance mortelle, il y a d’un côté le déni, le fait de penser que je suis toute puissante et que ça ne m’arrivera pas, et en même temps l’impression que ma mort peut arriver dans une heure, tout de suite, cette nuit. C’est très récurrent. C’est pour cela que je ne dors pas bien. »

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