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Le Chat-pharaon-fake en carton pâte


   Dès le berceau, je rêvai de grandir entourée de chats. Mes parents m’appelèrent, ironique de la sorte, et, prétextant les allergies confrères, on bannit les chats de l’environnement. En moi, les félins ont continué de grandir dans l’ombre, des chats malades et graves, les feulements rauques adjoints à une sauvagerie croissante. Je grandis un peu tout de même, écrasée, je deviens vieille fille, mais sans le chat. Solitude extrême, je croise dans la rue les yeux de lynx de gouttière, ceux de mes alter ego. Alors que devenue adulte, mes parents, ceux-là même, m'assènent  l’incompatibilité la mienne d’avec les amis félidés, je rêve secrètement une cohabitation paisible et solidaire.

   Après quelques mois, j’ai finalement ouvert la pochette plastique plate et déballé les pièces de carton numérotées, comme un puzzle en kit d’animal-carton-pâte de compagnie. J’ai reçu ce présent lors d’un anniversaire ou d’une pas trop vieille fête religieuse, je ne sais plus. Le chat pharaon sur la jaquette est dressé et  fier, je dispose de tous les éléments pour le construire en volume. Le duo parental mafieux me propose de mettre en oeuvre mes compétences plastiques, origami et collage, patience et minutie, pour réaliser ce chat d'appartement à priori peu contraignant. Je me mets vigoureusement à la tâche après désintérêt prolongé du projet, réalise un chat plus gros que nature, assez opaque, ma foi. Cet animal très imposant et confectionné par moi-même monopolise l’espace de sa neutralité impassible, son mépris de l’autre et la victoire secrète des parents. Je ne saurais que faire du chat pharaon fake, ce leurre de minou sans yeux, sans moustache et sans timbre.