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Les médecins sauveront l'humanité
30-3-18 - Train menant vers Lille de CCOMS
Les
médecins sauveront l'humanité
De
là à réactiver mon sèche-cheveux. C'est une journée qui dépote,
signant un palier débordé, rejoindre ou quitter la marge. Je
renfile des gants, mes boucles ondulent, le genou s'articule presque
à la normale. Chaque pas, veste de rac', bottines de pair, je
fredonne ablutions de mon crû, l'ambivalence dans le corps de
m'élancer en pleine voie, quitte ou doublement prise au piège, le
guet-apens en tête de train, billet aller-simple.
Pourtant,
je ne sais quelle énergie m'engage, en diagonale sur les quais, la
danse, doudoune itinérante, l'assurance avec laquelle je me
propulse, -parachute free-, dans la folie des sacs à bout de bras,
profil de collégienne. Mon histoire me rattrape quand mon regard
s'étire, scrute chaque voyageur, chaque collier au chien, il me
semble croiser dans tous les sens des connaissances, l'interrogatoire
en boucle des potentiels passages dans le bureau de l'un, le cabinet
d’icelle, celui-là ne m'aurait-il pas vissé un cathéter d'antan,
arraché le plateau des mains.
Je
m'engage ce jour à exposer mon cas, l'explosion en réseaux de mon
parcours médical, rompant ainsi l'anonymat avec lequel je menais
bat-son-plein mon activité d'artiste pluriel. Des bulles éclatent
silencieuses dans ma tête, sont-ce mes bandes dessinées hachées,
passées dans la bouilloire, ou les neurones d'intimité qui se
disloquent au rythme longiligne du TGV.
Les
cliquetis d'un computer, les agents de contrôle, regard alerte, me
font renforcer l'évidence de ce qui me guette. Nat' en scène prose
son papier, une manette dans sa menotte aux ongles moches, batifole
et défilent les vignettes. La dernière bouffée d'air pour clore
son exposé, deux mecs à bannière de sécurité soulèvent sous
l'aisselle la malade :"
-Veuillez
nous suivre Mademoiselle [ils ont dit Mademoiselle!], sans résister.
La
jeune aux lunettes de chimiste fou s’avachit dans l'assise offerte
des deux armoires, lesquelles referment cet épisode diapo' de
souvenirs de jeunesse, d’addiction, réunis sur le plateau pour
faire rigoler des pairs, des mères et des médecins planqués en
bordure de strap'.
-Où
l'emmenez-vous ? personnel CCOMS scié, chronomètre en main,
que le laps d'échanges avec les gradins m'ait été sucré.
-Mes
cartes de visite sont sur la table, articule-je sans voix, car déjà,
j'ai résigné muette. La bande vidéo se clôture sur ma personne
traînée sur le tapis rouge [du reste violet], accompagnée de deux
types à cheveux courts dressent effilochés, un sourire inquiétant
au visage, comme prédisposée à la sieste post-pique-nique de
congrès.
Un
ou deux membres du public, assez adhérent(s) et friands de mon
humour dérangé, rit tout haut, persuadé du canular inédit que je
viens de performer sur scène puis sous leurs yeux. Quelques
médecins, qui m'ont [ils étaient bien présents dans la salle!] par
le passé entretenue à leur bureau, se sont levés, smartphone et
tablette bien calée verticale, pour immortaliser l'instant.
-Bah
oui, c'est une archiviste née, si je ne réagis pas, c'est benzo.
Une
femme mince au teint sans carence en vitamine D₃
s'est levée dans le fond de la salle:
-Non,
non, ne faites pas ça, elle est épileptique ! Je suis médecin,
vous ne pouvez pas emmener celle qui fut ma patiente.
À
ces mots, un vieil homme grand à lunettes a mis quelques secondes de
plus à se redresser et:
-Ses
os sont fragiles, sa hanche bretonne fêlée, vous ne pouvez pas la
transporter de la sorte, bande de brutos. Et ses mains, leur agilité,
vous téléportez des barrettes d'or, les gars. Quelle situation
aberrante. Oui, quel gâchis !
Mais
les deux mecs sont déjà partis, Nat' avec, demeurent dans le champ
de vision le foulard vert et rose, La
jeune fille à la perf' en
tapisserie silencieuse, le sac à dos ouvert, oublié là.
-Merde
mais c'est l'heure du cocktail ! s'avise Professeur untel.
-Du
goûter, sérieux ?"
Et
tout le monde se casse.